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Comparer les emplois pour revaloriser les salaires des métiers féminisés

La revalorisation salariale des métiers « essentiels » mis en lumière par la crise du covid-19, qui sont majoritairement occupés par des femmes, représente un enjeu important des luttes contre les inégalités économiques entre les genres. Comment ces inégalités se perpétuent-elles et en quoi la comparaison entre fonctions est-elle un outil à la fois primordial si on désire les éradiquer et encore sous-exploité ?

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1) Introduction

Malgré des avancées importantes en matière de droit, les inégalités salariales entre femmes et hommes restent élevées et toujours aux dépens des premières. Avec des répercussions importantes, on le sait, sur le niveau de vie et l’autonomie économique durant la carrière professionnelle mais aussi en cas de maladie, de chômage et, forcément, lors de la pension.

Les raisons de cette distribution injuste des revenus du salariat sont multiples et dénoncées depuis des décennies par les mouvements féministes et la sociologie critique : on pense bien sûr à la ségrégation verticale (plafond de verre et plancher collant[1]), aux carrières féminines plus souvent discontinues (parce que les femmes mettent toujours plus que les hommes leur job entre parenthèses pour prendre soin de proches, notamment) ou encore au temps partiel contraint qui concerne très majoritairement des femmes.

Mais les inégalités de genre en termes de revenus découlent également de ce qu’on nomme la ségrégation horizontale (dite aussi professionnelle ou sectorielle), c’est-à-dire la présence majoritaire et même parfois massive des femmes dans un certain nombre de métiers combinée à leur relative absence dans d’autres. Or, la plupart des métiers à prédominance féminine relèvent du care au sens large (travailleuses sociales, infirmières, aides-soignantes, aides familiales, techniciennes de surface), de l’enseignement (principalement maternel et primaire) ou du commerce (notamment dans la grande distribution). Soit des métiers aussi indispensables au bon fonctionnement de la société -comme l’a rappelé brutalement la crise du Covid19- que peu valorisés socialement et donc mal rémunérés puisque ne jouissant pas d’un statut équivalent aux secteurs à prédominance masculine.

C’est à cet aspect de la ségrégation horizontale que cette analyse s’intéresse et en particulier à la question de la revalorisation salariale des métiers féminisés.

 

2) Une dévalorisation radicale

La dévalorisation des activités à prédominance féminine, donc notamment des métiers relevant du soin aux personnes et de l’entretien de nos lieux de vie et de travail, est liée à la vision patriarcale du monde qui prédomine de manière quasi-universelle et intemporelle (supra-historique) et sur laquelle continuent par conséquent de s’organiser en grande partie nos sociétés.

Cette perspective patriarcale est en même temps dualiste et hiérarchisante : c’est-à-dire qu’elle place dos à dos différentes catégories (Hommes/Femmes, Masculin/Féminin, Culture/Nature, Blanc/Noir, …) en leur attribuant des valeurs différentes et en justifiant la domination des unes sur les autres. En particulier, le patriarcat peut être considéré « comme moteur et liant de l’oppression simultanée de la catégorie du féminin et du paradigme relationnel », au sens de ce qui relève du soin, de la sollicitude, de l’entretien de nos conditions d’existence, en un mot : du care[2].

Comme on l’évoquera plus bas, il existe d’importantes disparités/différences entre les multiples métiers associés au care : certains sont mieux connus et reconnus que d’autres[3], certains ont bénéficié d’avancées grâce aux luttes syndicales quand d’autres restaient en retrait sur ce point. Mais, dans toute société où prospère le patriarcat tel qu’on l’a défini ici (ou au moins là où il « résiste encore et toujours »), les métiers et activités liées au care, aussi indéniablement « essentielles » soient-elles à la vie humaine et sociale, sont à la fois occupées très majoritairement par des femmes (mais aussi par certains hommes : pauvres et/ou migrants et/ou racisés) et socialement dévalorisées, aussi bien en termes de considération qu’au niveau des revenus. Les deux dynamiques se nourrissant mutuellement.

Avant d’explorer de façon très concrète la thématique des injustices salariales et d’éventuelles pistes d’amélioration de la situation, il était important de rappeler le contexte symbolique dans lequel ces injustices s’enracinent profondément et qui permet tout autant de comprendre pourquoi on en est là que de mesurer le défi que représente tout changement dans ce domaine.

 

3) Constats et enjeux

Parmi tou·tes les travailleuses·eurs qui ont été désigné·es, lors de la crise provoquée par le Covid-19, comme « essentiel·les » par différents gouvernements, la moitié sont des travailleuses de l’éducation et du care. C’est-à-dire tous ceux et surtout toutes celles qui sont employé·es dans les domaines de la santé et du travail social, que le contact direct avec les personnes soit central (infirmières, aides à domicile, éducatrices·eurs, etc.) ou plus périphérique a priori (agentes d’entretien, employées des titres-services, etc.). Or, il existe un décalage indéniable entre l’importance sociale, soudainement reconnue officiellement, de leurs activités professionnelles, et le niveau de leurs revenus. C’est ce qu’expliquent des chercheuses étasuniennes qui ont montré que les travailleuses du care étaient tout simplement moins rémunérées que d’autres « essential workers » (policiers, agriculteurs, éboueurs, …) aux diplômes et responsabilités pourtant équivalentes[4]. Elles parlent à ce propos de « care penalty » qu’on pourrait traduire par « pénalité (salariale) du care ».

On a déjà commencé à expliquer pourquoi il en est ainsi, mais plusieurs raisons permettent de comprendre comment cette situation d’injustice s’est construite et maintenue au fil du temps.

Parmi elles, on pense tout d’abord au fait que les stéréotypes concernant les qualités soi-disant « naturelles » chez les femmes ont longtemps eu (et ont parfois encore, si l’on n’y prend pas garde) pour effet de considérer certaines de leurs tâches comme non-techniques (par exemple, celles où elles doivent faire preuve de minutie ou celles qui demandent de prendre soin d’un bébé). Ce qui justifiait (ou justifie) de rémunérer modestement les tâches en question et en tout cas de les rémunérer moins bien que des tâches équivalentes dans des métiers masculinisés.

Précisément, ces derniers métiers ont souvent bénéficié, au contraire de métiers féminisés, des batailles syndicales menées traditionnellement avant tout par des hommes et pour des hommes pour faire reconnaître les compétences en jeu et le degré de pénibilité de certaines tâches[5].

Troisièmement, cette « pénalité salariale » des métiers féminisés s’est également construite grâce à l’invisibilisation et donc à l’absence de reconnaissance de leurs aspects spécifiques de pénibilité : « les horaires discontinus des infirmières, le fait de porter des corps lors de la toilette ou le port de meubles des agentes d’entretien des lycées, tout cela est totalement invisible dans les définitions de postes, dans leur valorisation (…), les personnes concernées elles-mêmes [ayant] intériorisé ce déni, cette invisibilité »[6].

Les inégalités de genre en termes de rémunération sont aussi partiellement dues au contenu-même des métiers féminisés : il a été montré que des travailleuses du soin se mobilisent moins spontanément pour leurs droits que des travailleurs·euses d’autres secteurs parce qu’elles privilégient leurs missions et les personnes dont elles prennent soin au détriment de leur intérêt personnel[7]. Autrement dit, « les caractéristiques du travail du care contribue à la perte de pouvoir (disempowerment) en encourageant à préférer l’engagement professionnel à la négociation salariale »[8].

Enfin, il faut prendre le temps de détailler un élément sans doute moins connu (ou méconnu) mais fondamental : le double enjeu d’une classification des métiers qui ne soit plus biaisée du point de vue du genre et des rémunérations justes qui devraient en découler.

Ce double enjeu est lié au fait que la revendication d’un salaire égal pour un travail égal n’a qu’une pertinence limitée aussi longtemps que subsiste une large ségrégation horizontale qui fait que les hommes et les femmes, justement, n’ont globalement pas les mêmes emplois. La question n’est alors pas tant celle de salaires égaux que celle de salaires équitables : de mêmes revenus pour des tâches de valeur comparable. Et c’est quand on commence à vouloir comparer la valeur de telle et telle fonction que le besoin de les évaluer et de les classer s’impose.

« L’évaluation des fonctions part du principe que le salaire dépend de ce QUE l’on fait. Elle ne tient pas compte du fonctionnement (COMMENT) ou de la personnalité de celui qui l’exécute (QUI) », et encore moins de son genre. En cela, elle apparaît comme un « moyen idéal pour revaloriser le travail et le salaire des femmes et réduire les écarts salariaux. »[9]

Toutefois, la tâche n’est pas simple pour autant : pour arriver à comparer et classer, il faut des critères objectifs suffisamment solides pour que les stéréotypes de genre n’interfèrent plus dans la démarche. Car en effet, si les représentations et les normes liées aux rôles de genre ont une influence majeure sur les activités vers lesquelles s’orientent (et sont orienté·es) professionnellement les femmes et les hommes[10], elles jouent également un rôle essentiel dans la manière dont ces activités peuvent être évaluées…et donc rémunérées.

Par exemple, comme on vient de l’évoquer, certaines tâches physiques associées à des métiers masculins, comme le port d’objets lourds, vont se voir reconnues, là où l’effort lié au fait de soulever des patient·es risque d’être oublié. Ou encore les responsabilités d’encadrement ou budgétaires vont être prises en compte tandis que des responsabilités envers les personnes fragiles ne seront pas intégrées dans les grilles de comparaison d’emplois. De façon générale et à diplôme équivalent, certaines de ces grilles vont accorder des scores plus élevés (c’est-à-dire justifiant un meilleur salaire) aux emplois industriels ou informatiques (masculinisés) qu’à ceux du secteur tertiaire ou du social (féminisés). C’est ici, notamment, que les stéréotypes de genre ont des effets très concrets sur le réel quand les aspects relationnels d’un métier sont considérés comme relevant de l’informel ou, encore une fois, du « naturellement féminin » et non comme des compétences nécessaires, apprises et entretenues : donc des techniques[11].

Or, les outils existent pour y parvenir, comme nous le verrons dans le point suivant. Car cette prise de conscience de l’enjeu que représente « un salaire égal pour un travail de valeur égale » dans la lutte contre les inégalités économiques entre femmes et hommes remonte déjà à une cinquantaine d’années. Par exemple, en France, la loi Roudy (du nom de la ministre qui en porta le projet) définissait dès 1983 quatre critères permettant de comparer la valeur de différents emplois : les connaissances (diplômes, formations), les capacités professionnelles (des pratiques et savoir-faire liés à l’expérience acquise), les responsabilités en jeu et la « charge physique et nerveuse ». Les bases ont donc été posées depuis longtemps qui ont permis la création d’outils performants sensibles au genre. Pour les mettre à profit, encore faut-il avoir la volonté de comparer effectivement les emplois entre eux.

 

4) Comment faire ?

S’il est impossible du jour au lendemain de rebattre les cartes de la division sexuée du travail, une revalorisation profonde est envisageable et elle s’accompagne d’une évaluation de la valeur égale des travaux. Rachel Silvera

On trouve de nombreuses publications sur le sujet et des outils d’évaluation des fonctions et des métiers qui permettent une classification juste du point de vue du genre existent bel et bien. Des organisations syndicales sud-américaines des services publics ont par exemple publié une brochure commune remarquable sur le sujet, véritable guide pratique pour réduire les inégalités salariales liées au genre via l’évaluation et la comparaison entre les postes[13]. En Belgique, le document publié dès 2006 par l’IEFH[14] est lui aussi précis et complet.

Les outils sont donc à disposition de toutes et tous et en particulier des syndicats qui ont un rôle majeur à jouer dans cette lutte. Par exemple pour favoriser une convergence des revendications entre différents métiers ayant trait au soin directement (aides-soignantes ou infirmières) ou indirectement (agentes d’entretien en hôpital) et donc un renforcement mutuel des travailleuses dans leurs combats respectifs pour des rémunérations équitables[15].

Mais les freins subsistent également. Soulignons-en trois en particulier.

Du point de vue syndical, d’abord : les délégué·es de terrain formé·es pour mener cette lutte restent trop peu nombreuses·eux, les secteurs féminisés ont un taux de syndicalisation moins élevé que dans les secteurs majoritairement masculins puisqu’il « vise un rattrapage pour les fonctions qui ont été inéquitablement évaluées, donc généralement des fonctions à composante féminine forte », le combat ne profite par conséquent pas directement à tous les postes et métiers et n’est pas d’emblée fédérateur [16].

Ensuite, la capacité de lutter, individuellement mais aussi et surtout collectivement, pour une revalorisation salariale dépend également du fait que les femmes parlent de leur salaire et puissent le comparer à ceux qui sont appliqués pour d’autres individus, mais surtout pour d’autres métiers. Pour que cela soit possible, une réelle transparence des salaires (et pas seulement ceux des dirigeant·es) est indispensable, ce qui demande de modifier la loi relative à l’écart salarial de 2012 qui est très protectrice, au contraire, de la confidentialité de ces données. Certains changements d’habitude sont également nécessaires. Car à l’heure actuelle, la moitié des Wallons (46%) ne parlent pas de salaire avec des personnes dont l’emploi ne leur semble pas comparable au leur et plus du tiers ne l’évoquent pas non plus avec des collègues ayant un emploi similaire[17]. Un tel tabou autour du salaire participe à perpétuer l’écart salarial entre femmes et hommes puisque les premières « sont nettement moins bien informées que les hommes sur le salaire des autres » et gardent le silence sur leurs propres salaires[18]. Il ne s’agit pas de le reprocher aux femmes, ni à n’importe quelle autre catégorie sociale qui serait concernée, mais de chercher des pistes, notamment législatives, permettant de faciliter les échanges sur ce sujet.

Enfin, l’interprétation-même de la notion de travail de valeur égale peut réduire considérablement le potentiel transformateur de cette notion. L’IEFH toujours, dans son rapport 2021 sur l’écart salarial entre les femmes et les hommes[19], fait le constat que la Loi belge de 2012 visant à lutter contre l’écart salarial entre femmes et hommes met essentiellement l’accent sur le classement des fonctions. Or, si une évaluation analytique, et par conséquent neutre, des fonctions et leur classement sont effectivement importants pour tendre vers une équité salariale[20], ne tenir compte que de cela réduit les possibilités de comparaison entre emplois à un même secteur et donc une même commission paritaire, voire, dans la pratique juridique effective, à une même institution (on ne peut alors comparer les revenus que de personnes occupant une fonction identique et ayant la même ancienneté)[21].

Autrement dit, « la question de la valeur du travail ne peut pas être traitée de manière suffisamment approfondie tant que la base de comparaison est limitée » à un sous-secteur professionnel. Car dans ces conditions, il est impossible de prendre en compte les inégalités salariales entre métiers féminisés et masculinisés, telles que celles qui existent entre, d’une part, les salaires moyens « déconcertants » de nombreuses professions essentielles et féminisées, dont par exemple celui du personnel de crèche et de garderie, et, d’autre part, ceux de professions également essentielles mais masculinisées (éboueurs, facteurs, …).[22]

Par conséquent, ce n’est qu’en utilisant une base de comparaison plus large que toute la puissance de la comparaison des emplois pourrait être mise à profit pour débusquer les injustices de revenus entre les métiers dits féminisés et ceux qui sont occupés majoritairement par des hommes. C’est l’une des recommandations formulées par l’Institut pour réduire l’écart salarial femmes-hommes, à laquelle nous adhérons pleinement. « Le travail de secrétariat, par exemple, pourrait être comparé dans différents secteurs, ou l’entretien de machines complexes avec la prise en charge de personnes âgées nécessitant des soins. Cet élargissement de la base de comparaison pour un travail de valeur égale est une étape nécessaire pour espérer éliminer un jour complètement l’écart salarial ».

 

5) Une nécessaire vigilance intersectionnelle 

Ce sont donc les activités liées au care qu’il faut pouvoir reconsidérer, aussi bien en termes de sens et de valorisation sociale[25] que du point de vue des salaires. Mais une telle transformation sociale ne peut advenir que si les actrices et acteurs concerné·es tiennent compte des inégalités qui structurent le monde du travail du care lui-même.

Car il s’agit d’un vaste domaine professionnel au sein duquel se recréent et s’entretiennent sans cesse des hiérarchies entre métiers : d’une part entre différentes activités de soin[26] et, de l’autre, entre les activités qui relèvent à proprement parler du soin et celles qui sont plus indirectement liées à l’entretien de nos conditions d’existence (comme tout ce qui concerne le ménage et la « technique de surface » ou encore l’enlèvement et le traitement des déchets, par exemple). Et ces hiérarchies recoupent (et s’expliquent par) des inégalités liées notamment à la classe sociale ou à la race. Autrement dit, parmi les métiers féminisés, tous ne sont pas logés à la même enseigne : les plus modestes sont invisibilisés et leurs salaires carrément indécents.

Pour mener une lutte sociale de revalorisation des salaires qui ne profitent pas qu’aux professions les moins mal loties et qui n’entérinent pas les hiérarchies en place mais au contraire les interrogent et peut-être les bousculent, on doit adopter une perspective intersectionnelle pratique. Ce qui implique de prendre acte des personnes qui exercent les différentes activités en question et de prendre en compte les manières dont leur identité de genre interagit avec leur origine sociale et leur racisation éventuelle, avec pour effet de réduire leurs marges de liberté et de les contraindre plus ou moins fortement à des métiers mal rémunérés et à des contrats de travail peu sécurisants. Dès lors, comme le formule une consultante en équité salariale québécoise, « pourquoi ne pas compléter les mesures d’équité salariale (…) par une hausse substantielle du salaire minimum, comme le réclament les groupes féministes et les organisations syndicales depuis de nombreuses années ? »[27].Une telle conscience fine et élargie des inégalités invite en effet à inclure la lutte pour une revalorisation des salaires des métiers féminisés dans un combat plus large contre les bas salaires, les emplois précaires et le temps partiel imposé. Voire à interroger la légitimité des inégalités de salaire à l’échelle de notre société, qui semblent globalement acceptées par la population mais dont la justification repose sur des arguments méritocratiques très discutables[28].

 

En conclusion

L’éradication des inégalités économiques, notamment du point de vue du genre, passe par une révolution politique et philosophique. Oui, il faut “refondre les valeurs et les symboles”[29], en déboulonnant au passage les traditionnelles structures binaires du monde patriarcal, pour accompagner l’avènement de sociétés basées sur une culture relationnelle. Mais ces transformations nécessaires des imaginaires dominants vont nécessairement de paire avec des changements très concrets auxquels chacun·e d’entre nous peut travailler à sa manière, individuellement et, surtout, collectivement.

Dans ce contexte, la question de la revalorisation des métiers essentiels à la reproduction sociale, c’est-à-dire au maintien des conditions indispensables à la vie des humains, est un des enjeux majeurs des luttes féministes contemporaines. Parce que, dans nos sociétés toujours patriarcales, ces métiers sont occupés très majoritairement par des femmes et sont dévalorisés à la fois socialement et financièrement. Or, cette « pénalité salariale du care », objectivée par des chercheuses étasuniennes suite à la crise du Covid-19, n’a rien d’inéluctable. La comparaison entre les fonctions féminisées et celles où les hommes sont majoritaires constitue de ce point de vue un outil de transformation sociale dont les syndicats et les associations féministes n’ont pas encore exploité tout le potentiel.

Toutes les luttes victorieuses en matière de revalorisation salariale auront des effets considérables sur la vie des personnes concernées tout en contribuant à la révolution de l’imaginaire que nous espérons.

Quant au financement des revalorisations salariales abordées dans cette analyse et réclamées de longue date par les associations féministes dont le CVFE fait partie, la loi belge de 1996 « qui sert de fondement aux augmentations salariales et au calcul du handicap salarial » offre notamment des moyens de faire pression sur les entreprises pour qu’elles assument leur rôle. Par exemple en leur imposant via un arrêté royal la réduction des dividendes aux actionnaires[30] pour privilégier la progression des salaires des travailleuses et de l’ensemble des travailleuses·eurs pauvres ou en risque de pauvreté[31].

A présent, y’a plus qu’à !

 

Pour télécharger cette analyse

 


Pour citer cette analyse :

Roger Herla, Comparer les emplois pour revaloriser les salaires des métiers féminisés, Collectif contre les violences familiales et l’exclusion (CVFE asbl), juin 2024. URL :

Contact CVFECette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

Avec le soutien du Service de l’Education permanente de la Fédération Wallonie-Bruxelles et de la Wallonie.


Notes :

[1] Le plancher collant fait référence au fait que les femmes soient bloquées à des positions moins élevées que les hommes dès leur début de carrière, ce qui concerne un grand nombre d’entre elles.

[2] Valérie Dubé, Care et féminisme au cœur d’un projet de transformation culturelle. Une approche radicale et holistique des enjeux de l’éthique, Doctorat en philosophie de l’Université de Laval, 2015, p.98.

[3] Roger Herla, Comment (re-)valoriser les métiers féminisés. L’exemple de l’aide à domicile, cvfe.be, 2023 : https://www.cvfe.be/publications/analyses/480-comment-re-valoriser-les-metiers-feminises-lexemple-de-laide-a-domicile

[4] Features of care work contribute to disempowerment by encouraging
commitment over bargaining
(notre traduction libre), dans Nancy Folbre, Leila Gautham & Kristin Smith (2021), Essential Workers and Care Penalties in the United States, Feminist Economics, 27:1-2, 173-187, DOI: 10.1080/13545701.2020. https://doi.org/10.1080/13545701.2020.1828602 

[5] https://www.cairn.info/revue-de-l-ires-2010-3-page-63.htm

[6] Idem.

[7] https://syndicatsmagazine.be/metier-feminin-metier-devalorise/

[8] Nancy Folbre, Leila Gautham & Kristin Smith, Essential Workers and Care Penalties in the United States, Feminist Economics, op.cit.

[9] Classification de fonctions sexuellement neutre : mode d’emploi, Institut pour l’égalité des femmes et des hommes, 2006 : https://igvm-iefh.belgium.be/sites/default/files/downloads/Classification%20sexuellement%20neutre.pdf

[10] Voir par exemple à ce propos : https://www.cvfe.be/publications/analyses/3-inegalites-femmes-hommes-face-au-travail-quelle-responsabilite-de-l-ecole-et-de-l-orientation-en-general

[11] Voir l’interview de S. Lemmière et l’article déjà cité : https://www.cairn.info/revue-de-l-ires-2010-3-page-63.htm ; voir aussi Nancy Folbre, Leila Gautham & Kristin Smith, 2021, op.cit.

[12] Classification de fonctions sexuellement neutre : mode d’emploi, op.cit.

[13] Internacional de Servicios Pùblicos, Reducir la brecha salarial de genero, http://www.world-psi.org/sites/default/files/documents/research/sp_reduciendo_la_brecha_salarial.pdf . Voir aussi le site de Public Services International, https://publicservices.international/resources/news/closing-the-gender-gap?id=8657&lang=en. Le document en question existe en espagnol, anglais et portugais.

[14] Classification de fonctions sexuellement neutre : mode d’emploi, op.cit.,

[15] Nancy Folbre, Leila Gautham & Kristin Smith (2021) Essential Workers and Care Penalties in the United States, op.cit.

[16] Anne-Marie Dieu, L’équité salariale entre les hommes et les femmes, Cesep, 2010.

[17] Une question qui dérange, Campagne Equal pay day 2024, https://www.equalpayday.be/fr/

[18] « 64% des femmes interrogées n’ont aucune idée du salaire de leurs collègues ayant un emploi différent et 40% ne savent pas comment sont rémunéré.e.s les employé.e.s ayant un emploi similaire. » D’autre part, « les femmes n’en parlent pas avec des collègues occupant des postes similaires (38%), ni avec d’autres collègues (57 %) et encore moins avec un.e supérieur.e hiérarchique (61%) », ibid.

[19] Hildegard Van Hove, L’écart salarial entre les femmes et les hommes en Belgique. Rapport 2021, IEFH, pp.75-76 : https://igvm-iefh.belgium.be/sites/default/files/136-_rapport_ecart_salarial_2021_0.pdf

[20] La classification de fonctions analytiques : une base pour une politique salariale sexuellement neutre, IEFH, 2006 : https://igvm-iefh.belgium.be/sites/default/files/downloads/classification%20de%20fontions%20analytique.pdf. « Dans les entreprises dotées d’une classification de fonctions analytique, On a certes retrouvé un écart salarial, mais celui-ci ne comportait plus de zone floue échappant à toute explication.  Ceci a pour avantage que l’écart salarial existant est mesurable et qu’il peut être entièrement justifié (par exemple par le niveau de fonction ou l’âge). Ceci implique qu’il peut donc également être éliminé. » 

[21] Hildegard Van Hove, Eliminer l’écart salarial par la voie législative. Expériences pratiques belges. IEFH,   https://igvm-iefh.belgium.be/sites/default/files/137_-_eliminer_lecart_salarial_par_voie_legislative.pdf

[22] Hildegard Van Hove, L’écart salarial entre les femmes et les hommes en Belgique. Rapport 2021, IEFH, op.cit.

[23] Hildegard Van Hove, Eliminer l’écart salarial par la voie législative. Expériences pratiques belges, op.cit., p.22.

[24] Internacional de Servicios Pùblicos, Reducir la brecha salarial de genero, op.cit.

[25] Ce qui signifie aller à l’encontre du rouleau compresseur idéologique patriarcal et néolibéral dominant pour défendre la supériorité morale d’une « éthique » ou d’une « culture » relationnelle basée sur la reconnaissance des interdépendances entre humains et sur la centralité du care.

[26] Entre infirmières et aides-soignantes à domicile, par exemple, comme l’expliquait M-C Sépulchre dans l’interview publiée en octobre 2023 sous le titre : Comment (re-)valoriser les métiers féminisés. L’exemple de l’aide à domicile, op.cit.

[27] Louise Boivin, La loi sur l’équité salariale et la discrimination systémique, Revue Argument (exclusivité web), 2022 : http://www.revueargument.ca/article/2022-03-08/786-la-loi-sur-lequite-salariale-et-la-discrimination-systemique.html

[28] Peut-on justifier les inégalités de salaires ?, sur le site internet de l’Observatoire des inégalités, 2021 : https://inegalites.fr/comment-justifier-ou-non-les-inegalites-de-salaires

[29] Aurélien Barreau, Il faut une révolution politique, poétique et philosophique, entretien avec Carole Guilbaud, Zulma, 2022.

[30] Olivier Derruine, Respecter les travailleuses pour relancer l’économie, La Revue Nouvelle, 2015 : https://revuenouvelle.be/Respecter-les-travailleuses-pour-relancer-l

[31] « Le risque de pauvreté (ou pauvreté monétaire) est le pourcentage de personnes ayant un revenu disponible équivalent (après transferts sociaux) inférieur à 60 % du revenu médian national des ménages » : https://www.chiffrespauvrete.be/topic/risque-de-pauvrete-par-categorie-de-population

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