Violence conjugale et regroupement familial : des femmes se mobilisent pour une sensibilisation préventive
Le sort des femmes venues en Belgique par regroupement familial est lié à la cohabitation avec leur conjoint. En cas de violence conjugale, elles risquent de perdre leur titre de séjour. Les femmes participant à cette étude 2014 du CVFE étaient venues en Europe, convaincues qu’elles pourraient y mener une existence autonome et paisible, incapables d’imaginer y vivre de telles injustices. Elles sont convaincues aujourd’hui que leur situation se serait présentée de manière beaucoup plus positive, si elles avaient pu recevoir, avant leur départ du pays d’origine ou dès leur arrivée en Belgique, une information préalable sur l’organisation de la société belge et les démarches à faire en cas de violence conjugale dans le cadre de la loi concernant le regroupement familial. La présente étude s’interroge en compagnie d’une vingtaine de ces femmes sur les types de sensibilisations préventives qui pourraient être mises en place dans cette optique.
Dans le cadre de sa mission d’hébergement de femmes victimes de violence conjugale, le CVFE est régulièrement confronté aux problèmes aigus que rencontrent les femmes migrantes disposant d’un permis de séjour lié à un regroupement familial dès lors qu’elles décident de se séparer d’un conjoint violent.
« En Belgique, le regroupement familial est régi par la loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers du 15 décembre 1980 (dite « loi des étrangers »). La loi indique, en effet, que, si une femme migrante disposant d’un permis de séjour à la suite d’un regroupement familial, se sépare de son conjoint durant les trois premières années (cinq ans depuis peu pour les femmes issues de l’UE3), elle perd son titre de séjour et reçoit l’ordre de quitter le territoire. De plus, les possibilités de recours devant le Conseil du Contentieux des Etrangers sont très faibles dans la mesure où le recours ne concerne pas le fond, mais uniquement la forme de la décision. Cependant, en 2006-2007, des dispositions ont été introduites dans la loi pour faire en sorte qu’une femme migrante victime de violence conjugale quittant son conjoint violent ne perde pas son titre de séjour : il faut alors qu’elle fasse la preuve des violences qu’elle a subies de la part de son conjoint, preuve qui est laissée à l'appréciation de l'office des étrangers4. Dans ce délai de trois ans (aujourd'hui cinq pour les conjointes d'européens), si une femme quitte un conjoint violent et qu'elle arrive à démontrer sa violence, elle sera protégée, pour autant qu’elle réponde aux différentes conditions que lui impose l'Office, à savoir disposer d’un emploi, avoir une mutuelle, ne pas dépendre du CPAS, entretenir des liens solides avec le pays d’origine (…) Depuis plusieurs années, les juristes du CVFE sont en contact régulier avec l’Office des Etrangers et maîtrisent bien la procédure concernant la fourniture de preuves de violence conjugale, de telle manière que la majorité des femmes concernées conservent leur titre de séjour5, pour autant qu’elles respectent les conditions exigeantes posées par l’Office »6.
Néanmoins, ces situations révèlent, aux yeux des intervenant-e-s du CVFE, que le caractère contraignant de la loi fait courir aux femmes migrantes de grands risques d’être injustement pénalisées par les dispositions en vigueur, à fois à cause de leur ignorance de la législation et par le manque de préparation psychologique et culturelle au moment de quitter le pays d’origine.