La presse retrouve Abdou. Dérives racistes d'une dénonciation du sexisme
Les « allié·es » féministes, en prenant le parti de femmes victimes de violences, tendent parfois à reproduire des rapports de domination vis-à-vis d’autres groupes sociaux opprimés. C’est le cas ici dans le chef de la presse espagnole. Apprendre des erreurs commises par ces « allié·es » est aux yeux du CVFE une nécessité. Une auto-critique préventive en quelque sorte, pour que le féminisme que nous défendons évite l’écueil du racisme, et prenne réellement en considération toutes les femmes.
Introduction
En mai dernier, l’étreinte entre Abdou, migrant[1] sénégalais, et Luna, volontaire de la Croix-Rouge à Ceuta, victime depuis lors de cyberviolences en raison de son geste, a défrayé la chronique. Une première analyse du CVFE portait sur l’invisibilisation d’Abdou comme sujet, dans le chef des cyber-attaquants comme des nombreuses personnes ayant soutenu Luna sur les réseaux sociaux via le hashtag #Gracias Luna. On ignorait alors tout d’Abdou, jusqu’à son prénom[2]. C’était sans compter sur le reportage de la télévision espagnole RTVE, qui a retrouvé et interviewé Abdou quelques jours plus tard.
C’est de ce traitement médiatique qu’il sera question dans cette seconde analyse. Dans quelle mesure rend-il à Abdou sa subjectivité ? Pour répondre à cette question, nous nous appuierons sur les procédés de racialisation (soit la construction de l’Autre comme appartenant à une autre « race ») décrits par l’anthropologue libano-australien Ghassan Hage : l’absence d’interpellation (la personne racisée est invisibilisée, ignorée) caractérise les premiers articles de presse consacrés à Abdou et Luna. Les retrouvailles avec Abdou s’inscrivent ici dans deux autres procédés de racialisation : l’interpellation négative (la personne racisée est visibilisée, mais affublée de caractéristiques négatives) et surtout, la mauvaise interpellation (dans un premier temps, la personne racisée se sent incluse, mais elle réalise dans un second temps qu’il n’en est rien). Nous étudierons ensuite en quoi le reportage consacré (en théorie, du moins) à « l’histoire d’Abdou » s’inscrit dans la rhétorique du « syndrome du sauveur blanc ». Dans la lignée de la première analyse consacrée à ce sujet, notre préoccupation reste la même : éviter, dans des initiatives qui visibilisent les violences faites aux femmes, de porter préjudice à d’autres groupes sociaux opprimés.
L’absence d’interpellation
L’absence d’interpellation, soit le premier procédé de racialisation décrit par Ghassan Hage et « lié à l’invisibilité »[3], était l’objet de l’analyse précédente[4] : Abdou constituait la toile de fond d’articles et publications sur les réseaux sociaux dont le vrai sujet était Luna. Son visage et la souffrance que ses traits exprimaient sont apparus partout, mais il n’en a été question nulle part. La violence qu’il a vécue a été éclipsée par la cyberviolence vécue par Luna. Cette analyse portait sur les premiers articles de presse consacrés à Luna et Abdou ainsi que sur les réactions hostiles ou soutenantes sur les réseaux sociaux, avant que l’on connaisse l’identité de ce dernier ; il venait alors d’échouer sur la plage après un parcours migratoire éprouvant.
La présente analyse se consacre cette fois au reportage de la télévision espagnole qui a retrouvé Abdou quelques jours plus tard pour l’interviewer. Deux autres modes d’interpellations racistes y entrent en jeu.
L’interpellation négative
Selon Hage,
« Ici, la personne racialisée est clairement remarquée et rendue visible. Et elle a une place dans la structure symbolique de la société, mais c’est une place définie par des caractéristiques négatives. »
Nous devons ici nuancer, car le portrait d’Abdou dépeint par la RTVE est à cet égard ambivalent. Des éléments biographiques importants concernant Abdou seront contés au cours du reportage : il vivotait depuis 5 ans au Maroc avec son frère et sa grand-mère (qui les avait recueillis au Sénégal après le décès de leurs parents), mais ses revenus de maçon ne suffisaient pas pour soutenir financièrement sa famille. Son frère et lui décident donc de partir vers l’Espagne. Après une traversée éprouvante jusqu’à Ceuta – où il s’effondre dans les bras de Luna –, il a malheureusement été déporté vers le Maroc. Depuis lors, il n’a aucune nouvelle de son frère, il est fatigué et tousse fréquemment. Autant d’éléments qui permettent de mieux comprendre le contexte de sa trajectoire migratoire et ses conséquences.
Ce n’est pas le contenu global du reportage en tant que tel qui pose problème, mais deux éléments du schéma narratif établi par la RTVE : les détails choisis, combinés à la priorisation chronologique des informations. Ainsi, l’une des premières informations que la RTVE communique au sujet d’Abdou est qu’elle l’a retrouvé dans « une chambre partagée toute petite et délabrée » (images de zones de désordre dans la chambre à l’appui), et qu’il porte encore « les mêmes vêtements » que lors de sa traversée. Ces détails empreints de misérabilisme sont à mettre en balance avec la toute dernière information transmise, soit celle qui restera en tête après le visionnage. À savoir : « Ses amis disent qu’il joue très bien au foot ». Le reportage se termine ainsi sur le stéréotype de l’homme noir doué pour le sport[5], en bonne et due forme. Cette interpellation négative demeure toutefois, on l’a vu, limitée.
La mauvaise interpellation
La mauvaise interpellation est selon Ghassan Hage « un racisme d’un autre ordre », en ce qu’il se déroule en deux temps : la personne racialisée est d’abord interpellée comme membre de la collectivité, au même titre que n’importe qui. La personne « sur le point d’être racialisée » pense qu’une place l’attend au sein de la société. Mais
« à peine a-t-elle répondu à l’appel et revendiqué une place que l’ordre symbolique lui rappelle brutalement qu’elle n’est pas incluse dans « tout le monde » : « Non, ce n’est pas à toi que je parlais. Dégage. Tu n’es pas des nôtres »[6]. »
Ce drame en deux temps n’est pas étranger à l’expérience d’Abdou dans le cadre de ce reportage : l’illusion lui aura été donnée un temps qu’il est un sujet au même titre que n’importe qui (une chaine de télévision consacre un reportage à son histoire). Un temps seulement. Car, alors même que l’objectif de ce reportage était de raconter « l’histoire d’Abdou » (il s’agit d’ailleurs du titre de l’article), à nouveau, et de façon tout à fait paradoxale, Luna en est le vrai sujet. La hiérarchisation des vécus de Luna et d’Abdou se matérialise quantitativement et qualitativement dans le reportage. D’un point de vue quantitatif, d’abord : plus de la moitié du reportage est en réalité consacrée à Luna (1 minute 8’’ sur 2 minutes). D’un point de vue qualitatif, ensuite : à peine la voix off a-t-elle partagé quelques informations introductives sur Abdou que la journaliste Ana Jiménez met Abdou en contact téléphonique avec Luna. Ce simple contact fait d’emblée resurgir chez Abdou les émotions extrêmes qui l’assaillaient lorsqu’ils se sont rencontrés, au point qu’il baisse la tête et se cache le visage. C’est à cet instant, marqué par la grande vulnérabilité d’Abdou, que, tandis qu’il a encore la tête entre les mains, la voix off s’épanche sur le destin tragique de Luna, qui a été assaillie par les cyberviolences depuis que les images de son étreinte avec Abdou ont circulé sur les réseaux sociaux. La voix off précise que, pour cette raison, Luna a demandé à ce que l’image de son visage (qu’on peut apercevoir sur l’écran du téléphone de la journaliste) soit brouillée. Pour résumer, non seulement le reportage censé être consacré à Abdou met Luna au centre du récit, mais il le fait de surcroît au moment où s’exprime la grande vulnérabilité d’Abdou – le pénible périple migratoire vraisemblablement rappelé à son souvenir à la vue de Luna, a encore un impact conséquent sur son présent : parce qu’il a été déporté au Maroc, et parce qu’il ignore encore aujourd’hui si son frère est vivant. Un contraste qui provoque un certain malaise.
Malaise d’autant plus grand que le reportage tend à faire passer l’expression du trauma d’Abdou (son mutisme et le visage enfoui dans ses mains) comme une séquence émotion suscitée par les retrouvailles avec Luna. En atteste la publication à ce sujet de la journaliste Ana Jiménez sur son compte Twitter, accompagnée de l’extrait vidéo en question, où face au téléphone qui le met en contact avec Luna et face à la caméra du journaliste, Abdou pleure longuement pendant qu’Ana Jiménez énumère pour Luna les drames qu’il a vécus : « Abdou ne peut retenir ses larmes en entendant Luna. #Ceuta. Aucun des deux n’oubliera cette étreinte », écrit-elle. Publication que plusieurs utilisatrices et utilisateurs du réseau social qualifieront de « porno de la misère ». Ce concept créé par les cinéastes colombiens Luis Ospina et Carlos Mayolo[7] désigne l’utilisation de la misère d’autrui à des fins mercantiles. L’exploitation de la misère assure par ailleurs une autre fonction : « laver sa mauvaise conscience, s’émouvoir et se rassurer ». Il s’agit davantage dans ce reportage de soulager sa mauvaise conscience que de dénoncer l’injustice des politiques migratoires et leurs conséquences tragiques.
Attribuer implicitement la vulnérabilité d’Abdou à l’émotion des retrouvailles avec Luna relève d’un sentimentalisme on ne peut plus déplacé, qu’on retrouve également dans l’article (toujours de la RTVE) tiré du reportage, dont le titre complet est : « L’histoire d’Abdou, le Sénégalais qui a embrassé Luna : « Jamais je ne pourrai oublier son geste » ». Comme le dit explicitement le chapeau - « RTVE a interviewé Abdou, le migrant protagoniste de l’étreinte avec Luna » -, Abdou n’est plus le protagoniste de sa propre histoire, mais bien de celle de Luna, présentée comme sa sauveuse.
L’équipe de journalistes pousse l’indécence jusqu’à enchainer directement avec le ressenti exprimé, à leur demande, par Abdou sur… les « violences racistes » que Luna a très mal vécues (comme expliqué dans notre analyse précédente, c’était paradoxalement à une femme blanche que des injures négrophobes s’adressaient, qui l’objectifiaient sexuellement tout en figeant Abdou dans le stéréotype de l’homme noir agresseur sexuel). On demande donc à un homme noir fragilisé par des politiques migratoires inhumaines d’exprimer sa solidarité envers une femme blanche victime de « violences racistes ». Abdou répond d’ailleurs de bonne grâce : « Je ne comprends pas pourquoi ils s’en sont pris à Luna. Elle a seulement fait son travail, elle m’a consolé, m’a réconforté. Ça a été un geste humain ». Et la voix off d’ajouter : « Abdou me dit qu’il n’oubliera jamais ce que Luna a fait ».
De quoi rappeler brutalement que, non, tout le monde n’a pas droit à une place dans l’espace social et symbolique. Ou pour paraphraser Frantz Fanon : « Le monde blanc, seul honnête, me refusait toute participation »[8] : s’il n’est pas invisibilisé comme dans les premiers articles de presse, Abdou n’est ici qu’un faux-sujet, qui n’existe socialement et symboliquement que comme faire-valoir de Luna.
Le syndrome du sauveur blanc
Les principaux ingrédients du syndrome du sauveur blanc sont ici rassemblés.
Qu’est-ce que le syndrome du sauveur blanc ? Les définitions peuvent varier, mais il s’agit généralement d’une personne blanche privilégiée qui se met en scène en train d’« aider » des personnes racisées et ostensiblement démunies (le plus souvent dans un contexte « Sud », mais parfois dans un contexte « Nord » aux côtés de personnes réfugiées). Les guillemets sont importants : souvent, le sauveur blanc ne fait profiter ces personnes d’aucune qualification utile. Mais son volontariat, censé « faire la différence », lui aura valu (biffez la mention inutile) de fortes émotions / un CV gonflé / de l’auto-satisfaction / un moment de gloire sur les réseaux sociaux. Comme le précise le collectif #NoWhiteSavior (composé majoritairement de femmes d’Afrique de l’Est) sur sa page Twitter : "Nous n'avons jamais dit “Pas de blancs” - tout ce que nous savons c‘est que ce ne devrait pas être eux les héros de notre histoire !"[9]. Il ne s’agit donc pas de remettre en question le principe même des actions de solidarité auxquelles s’adonnent des personnes blanches, mais de proposer une analyse critique de leurs modalités, qui tendent à reproduire des rapports de domination « Nord-Sud ».
Une vidéo de The Take dresse les principales manifestations de ce syndrome du sauveur blanc au cinéma. Certaines des caractéristiques citées nous permettent aisément d’apprécier en quoi le reportage de la RTVE sur Abdou rentre dans ce moule :
- Le personnage blanc aura tendance à être au centre de l’histoire (pour rappel, plus de la moitié de ce reportage consacré à Abdou porte sur Luna) ;
- Des gentil·les blanc·hes (ici, Luna, et indirectement les journalistes qui consacrent un reportage à Abdou) s’opposent à des méchant·es blanc·hes racistes (les cyber-attaquants de Luna) ;
- Une réconciliation inter-raciale est mise en scène (les protagonistes en sont Luna et Abdou, et elle se matérialise par l’échange téléphonique ; comme précisé ci-dessus, ce qui est présenté comme une séquence émotion sera aussi mis en exergue dans un tweet sentimentaliste de la journaliste, Ana Jiménez) ;
- Ce happy ending donne l’illusion que le racisme, problème systémique par excellence, se résout grâce à des comportements individuels ;
- Une personne blanche est victimisée par le racisme (il est même attendu d’Abdou qu’il exprime de la compassion vis-à-vis d’une femme blanche considérée comme victime de racisme).
Enfin, au vu des détails que la RTVE a jugé bon de partager en début de reportage (« avec les mêmes vêtements »), ces propos sarcastiques du collectif No White Savior prêtent à rire :
« Il y a un type spécial d’ « Africain » plébiscité par les gens du secteur de l’aide au développement. Ce n’est pas l’Africain moyen, équilibré, éduqué et habillé convenablement. Non, tu veux voir les aspects les plus pauvres et les « moins civilisés » de nous-mêmes et de notre continent [Tellement que tu pourrais venir avec ton propre pot de mouches et un sac de vêtements sales et en lambeaux]. »
Et quand la presse francophone se saisit du sujet ?
Une lectrice de Libération s’étant enquise du sort d’Abdou, le journal a relayé dans la presse francophone les informations transmises par la RTVE. Plusieurs médias belges s’emparent alors du sujet. Mais seul Moustique fait d’Abdou le vrai sujet de l’article (tout en visibilisant les violences vécues par Luna). S’ils contextualisent longuement en faisant référence à l’étreinte avec Luna et au cyberharcèlement qui a suivi, les différents articles (de Libération, la DH, La Libre) ne consacrent que quelques lignes à Abdou, en fin de texte. Plus grave : alors que l’un des grands malheurs d’Abdou est d’ignorer où est son frère, et même s’il est encore en vie, ce fait n’est mentionné dans aucun des articles de la presse francophone portés à notre connaissance. Au contraire : Libération, la DH et La Libre, en raison d’une mauvaise traduction relayée sans vérification, affirment tous trois qu’Abdou « vit désormais à Casablanca au Maroc avec son grand frère »… Là encore : profond malaise.
Conclusion
Ce reportage aurait pu rectifier le tir, et accorder à Abdou l’attention qu’il méritait. Tel était censé être son objectif, d’après le titre « L’histoire d’Abdou ». Or, de façon très paradoxale, le reportage reproduit l’invisibilisation d’Abdou « au profit » de Luna. Au profit ? Pas exactement, en réalité. Certes, le reportage continue de visibiliser et dénoncer les cyberviolences qu’elle a vécues. Mais en appliquant à son geste empli d’humanité la rhétorique du « syndrome du sauveur blanc », le reportage de la RTVE l’instrumentalise dans un traitement médiatique sentimentaliste, qui romantise les relations inter-raciales. Cela fait écho à une série de tweets, largement partagés, dont se fendait en 2012 l’écrivain américain Teju Cole au sujet d’une certaine forme d’humanitaire occidental, peu efficace et m’as-tu-vu : « La banalité du mal s’est muée en banalité de la sentimentalité. Le monde n’est qu’un problème à résoudre avec enthousiasme » ; ou encore « Ce monde n’existe que pour satisfaire les besoins – en ce compris, surtout, les besoins sentimentaux – des Blancs et d’Oprah ». Ce sentimentalisme a-t-il pour finalité de se construire une figure de gentil·le Blanc·he, dès lors dédouané·e du racisme institutionnalisé ? On peut le supposer. Une chose est sûre : plutôt que de rendre à Abdou sa subjectivité, le reportage semble plutôt objectifier Luna en sauveuse blanche… et en caution anti-raciste ?
En matière de genre et diversité, les pratiques des médias évoluent. La Belgique, en juin dernier, marchait sur les pas de l’Espagne : le Conseil de Déontologie Journalistique (CDJ) adoptait une recommandation « violences de genre » et faisait ainsi entrer la question des violences faites aux femmes dans le champ déontologique. Il y insiste sur le droit à l’image, une nécessité à laquelle la RTVE a elle aussi été attentive en brouillant le visage de Luna pour satisfaire sa demande. Mais qu’en est-il de la déontologie respectueuse de la diversité ? En mai 2016, le CDJ a formulé une Recommandation pour l’information relative aux personnes étrangères ou d’origine étrangère et aux thèmes assimilés. En janvier 2021, Média animation rédigeait pour la RTBF la brochure Racisme, médias et société, qui comporte de riches analyses et des recommandations telles que « écouter les concernés et les désigner pour ce qu’ils et elles sont : des personnes dignes de considération » (p. 134) – ce à quoi a failli la presse belge qui s’est emparée de l’histoire d’Abdou, tout comme la RTVE. Ces boîtes à outils pourraient certes encore être étoffées (il n’y est pas question, par exemple, du syndrome du sauveur blanc), mais elles recèlent de précieux conseils. Mettons-les en pratique…
… et pas que dans les médias. Les écueils dénoncés ci-dessous, loin de se limiter au champ médiatique, sont autant d’ombres qui planent au-dessus des féministes majoritaires (celles qui, de par leur classe sociale ou « race », jouissent de certains privilèges par rapport à d’autres femmes moins favorisées). Une position favorable dans certains rapports sociaux que nous devons en permanence garder à l’esprit, sous peine de reproduire des violences tout en dénonçant des violences. Les procédés de racialisation, le porno de la misère, le syndrome du sauveur blanc… font partie des effets pervers susceptibles de ternir les initiatives en faveur des droits des femmes. Si l’on n’y prend suffisamment garde, ces écueils excluent des mouvements de femmes celles qui se situent à la croisée de plusieurs rapports de domination. Si de prime abord il peut sembler étonnant pour une association féministe de consacrer une série d’analyses à d’autres rapports de domination que le patriarcat, cette décentration est aux yeux du CVFE indispensable pour s’inscrire dans un féminisme inclusif et intersectionnel.
Pour citer cette analyse :
Anne-Sophie Tirmarche, "La presse retrouve Abdou. Dérives racistes d'une dénonciation du sexisme" Collectif contre les violences familiales et l’exclusion (CVFE asbl), juin 2021. URL :
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Auteure :
Crédit Photo : RTVE, https://www.rtve.es/noticias/20210524/abdou-senegales-abrazo-luna-jamas-olvidare-su-gesto/2092720.shtml(consulté le 11/08/2021)
Avec le soutien du Service de l’Education permanente de la Fédération Wallonie-Bruxelles et de la Wallonie.
Notes :
[1] Le terme « migrant » est ici utilisé au sens où l’entend Amnesty International : « Il n’existe pas de définition juridique reconnue au niveau international. À l’instar de la plupart des organismes et organisations, Amnesty International considère que les migrants sont des personnes qui vivent hors de leur pays d’origine mais ne sont ni des demandeurs d’asile ni des réfugiés. » (https://www.amnesty.org/fr/what-we-do/refugees-asylum-seekers-and-migrants/)
[2] On ignore toujours aujourd’hui son nom de famille.
[3] Ghassan Hage, The Affective Politics of Racial Mis-interpellation, p. 121, ma traduction. En ligne : http://citeseerx.ist.psu.edu/viewdoc/download?doi=10.1.1.864.6492&rep=rep1&type=pdf
[4] Anne-Sophie Tirmarche, "Gracias Luna...Adios Abdou ? Quand le féminisme se fait au détriment d'autres luttes " Collectif contre les violences familiales et l’exclusion (CVFE asbl), juin 2021. URL : https://www.cvfe.be/publications/analyses/372-gracias-luna-adios-abdou-quand-le-feminisme-se-fait-au-detriment-d-autres-luttes
[5] Le stéréotype du Noir sportif, qui aurait naturellement une condition physique supérieure à celle du Blanc, a pour corollaire sa supposée infériorité intellectuelle. Le sociologue américain Earl Smith, parmi d’autres, a déconstruit cet argument génétique (Earl Smith, Race, sport and the American dream, Carolina Academic Press, 2007).
[6] Ghassan Hage, id., p. 122, ma traduction. Comme le souligne Hage, cette mauvaise interpellation fait écho au récit de Frantz Fanon, psychiatre martiniquais confronté au racisme en métropole, où il se découvre noir, comme il l’explique dans Peau noire, masques blancs.
[7] Luis Ospina Luis et Carlos Mayolo, « Qu’est-ce que la Porno-Misère », traduit de l’espagnol par Olivier Hadouchi et Joaquín Manzi, 2014. En ligne : https://rsomnambules.wordpress.com/2014/07/06/quest -ce-que-la-porno-misere-par-luis-ospina-et-carlos-mayolo/
[8] Frantz Fanon, Peau noire, masques blancs, Le Seuil, 1952, p. 112.
[9] Cité dans https://www.moustique.be/24310/white-saviors-qu-est-ce-que-le-complexe-du-sauveur-blanc, consulté le 20 juillet 2021.
racisme, migration, Abdou, Luna, sauveur blanc, médias, cyber-violences