Appel Mirabal - Manifestation du 28 novembre à Bruxelles
Nous étions 3.000 en 2017, 5.000 en 2018 et 10.000 en 2019 : soyons encore plus nombreux-ses le dimanche 28 novembre 2021 carrefour de l’Europe (gare centrale) à Bruxelles
Pour la 5e année consécutive, des dizaines d’organisations et associations féministes au sein de la plateforme Mirabal1 appellent à une manifestation nationale le 28 novembre à Bruxelles. Cette année, une fois de plus, le CVFE s’associe aux revendications de la plateforme Mirabal et participe à ce rassemblement.
Grâce aux mobilisations féministes, les lignes bougent. Mais pas assez vite, pas assez fort, pas pour tout le monde et pas toujours dans la bonne direction2 pour pouvoir constater une diminution effective des violences machistes qui continuent à bafouer les droits et à détruire les vies de millions de femmes en Belgique et ailleurs. Nous ne pouvons plus attendre !
Partout dans le monde et y compris en Belgique, les mobilisations féministes prennent de l’ampleur : #Metoo, dénonciation des féminicides, manifestations à l’occasion de la journée internationale pour l’élimination des violences faites aux femmes le 25 novembre, grèves féministes internationales du 8 mars, ... Grâce à elles, personne ne peut ignorer aujourd’hui l’étendue des violences machistes que toutes les femmes connaissent au cours de leur vie sous des formes multiples : violences conjugales, sexuelles, économiques, psychologiques, institutionnelles, dans la sphère privée comme dans l’espace public. Grâce à ces mobilisations, nous pouvons constater à quel point notre solidarité est notre force !
Si des volontés individuelles s’affichent en faveur d’une évolution des mentalités et des comportements, si certaines mesures ont été concrétisées, les pouvoirs publics prennent encore trop peu d’engagements concrets et structurels pour avancer efficacement vers une diminution effective des violences faites aux femmes. Les associations de terrain constatent en effet en lame de fond une réelle résistance aux changements nécessaires. Une résistance parfois ouverte et frontale, avec une minimisation voire une négation des violences et des dysfonctionnements dénoncés par les femmes depuis des années. Mais aussi une résistance plus sournoise, camouflée derrière un discours condescendant, des aménagements symboliques qui prétendent appuyer nos revendications ainsi qu’un acharnement à imposer une lecture et un traitement « neutralisés » des violences sexuelles et intrafamiliales, comme si les hommes et les femmes en étaient affectés indistinctement alors que les faits et les chiffres démontrent clairement le contraire.
Cette lecture erronée est dangereuse puisqu’en découlent des interventions inadaptées aux réalités et aux besoins, comme le souligne le Conseil de l’Europe qui a déjà rappelé la Belgique à l’ordre sur ce point3. Mais certain-e-s, particulièrement au sein du gouvernement flamand, persistent malgré tout dans ce sens. En témoigne la ministre NVA Zuhal Demir qui a ouvertement exprimé son opposition à un Plan d’Action National de lutte contre les violences basées sur le genre qui, en ciblant à 90% des mesures contre les violences faites aux femmes, reposerait, selon elle, sur « une exclusion des hommes » qui « peuvent aussi recevoir des coups »4. Plus qu’une divergence d’interprétation, il s’agit là d’une grave remise en cause de l’adhésion de la Belgique à la Convention d’Istanbul ratifiée en 20165 qui engage notre pays à mettre en œuvre une politique volontariste de lutte contre les violences spécifiques faites aux femmes.
Quelles que soient leurs formes, ces résistances à une amélioration notable de la lutte contre les violences faites aux femmes contribuent à maintenir et renforcer les rapports de pouvoir que nous connaissons dans ce système inégalitaire avec des politiques racistes, sécuritaires et néolibérales qui s’abattent en première ligne sur les femmes, les précaires, les migrant-e-s. Nous ne plierons pas, nous ne nous laisserons pas berner !
- Il est temps que les pouvoirs publics assument et respectent les obligations de la Convention d’Istanbul pour la mise en œuvre d’une politique efficace de lutte contre toutes les formes de violences faites à toutes les femmes. Nous maintiendrons la pression pour que des moyens soient dégagés, particulièrement en engageant du personnel de terrain spécialisé et formé qui vienne renforcer les associations et services existants qui ont fait leurs preuves :
- pour une politique cohérente et volontariste de lutte contre les violences, pensée et mise en œuvre en étroite collaboration avec les associations de terrain qui connaissent les besoins des victimes, y compris des campagnes pérennes de sensibilisation,
- pour des mesures qui misent avant tout sur la prévention, afin de diminuer effectivement les violences et leurs incidences sans se limiter à agir quand le mal est déjà fait,
- pour un accompagnement pluridisciplinaire des victimes dans leur parcours de reconstruction et un suivi des auteurs qui vise à diminuer le risque de récidive
- pour une reconnaissance par les institutions de la dynamique et des impacts des violences sexistes pour adapter l’intervention des services publics au légitime besoin de réparation des victimes
Programme du 28 novembre
Infos mises à jour à venir sur https://www.facebook.com/events/379535237088060 Pour signer l’appel en tant qu’organisation de la société civile (ce qui implique au minimum de le diffuser et de mobiliser pour le 28/11) : envoyer un mail à Contacts presse - francophone : Céline Caudron (Vie Féminine) 0478/79.43.60, - néerlandophone : Magda Demeyer (Vrouwenraad) 0476/94.91.31, |
Les lignes ne bougent pas assez vite : l’exemple des plans d’action nationaux Depuis 2001, les différents niveaux de pouvoir s’accordent sur un Plan National quinquennal de lutte contre les violences faites aux femmes (PAN). Le Conseil de l’Europe, sur la même longueur d’ondes que les associations de terrain, avait critiqué les plans d’action belges: absence de lecture genrée des violences faites aux femmes, plans trop peu cohérents et coordonnés, mal évalués, associations de terrain peu associées à leur mise en œuvre, budgets peu clairs voire inexistants, … Les niveaux de pouvoir francophones se sont accordés l’an dernier sur un plan intrafrancophone de lutte contre les violences faites aux femmes (2020-2024)6 avec des mesures plus concrètes et une meilleure articulation avec les associations de terrain qui ont été consultées pour son élaboration et sollicitées pour en faire le suivi, ce qui est positif. Mais, au niveau national, le dernier PAN (2015-2019) est arrivé à échéance il y a maintenant près de deux ans tandis que le PAN initialement prévu pour 2020-2024 tarde à venir. Désormais, un PAN 2021-2025 est annoncé pour la fin du mois de novembre. Mais des divergences politiques sont en train de s’exprimer et font craindre que cette échéance puisse encore être retardée7. Pourtant, le temps presse puisque la Belgique est tenue de se conformer avant le 15 décembre 2023 aux 11 recommandations les plus urgentes du Conseil de l’Europe pour la bonne mise en application de la Convention d’Istanbul8. |
Les lignes ne bougent pas assez fort : l’exemple des mesures d’urgence pendant la pandémie Nous avons pu constater, pendant la période de confinement, une intensification des violences faites aux femmes dans l’espace public comme dans la sphère privée. En urgence, certaines mesures ont été décidées rapidement au niveau des Communautés et Régions pour ouvrir de nouvelles places d’accueil pour les femmes et enfants victimes des violences conjugales ou encore pour renforcer et promouvoir les lignes d’écoute. Mais il ne s’agissait que d’une gestion de l’urgence, à travers des mesures ponctuelles et souvent temporaires. Par la suite, plusieurs budgets ont été débloqués pour appuyer ou pérenniser le fonctionnement de services et associations actifs (les Centres de Prise en Charge pour les Victimes de Violences Sexuelles (CPVS) au Fédéral, les services ambulatoires et refuges d’urgence en Wallonie, la ligne d’écoute francophone, etc). Ce sont des avancées que nous saluons… mais qui restent toujours largement insuffisantes au regard des besoins. Ce n’est pas viable de fonctionner par petits pas ! |
Les lignes bougent mais pas pour tout le monde : l’exemple des femmes migrantes et en séjour précaire Les femmes sans papiers survivent dans l’extrême précarité, sans droits, isolées dans la clandestinité… Elles sont particulièrement exposées aux violences machistes. Par exemple, sans statut légal, elles risquent l’exploitation et la traite des êtres humains et les rares activités qui leur sont ouvertes sont mal payées et dévalorisées, ce qui les rend financièrement dépendantes de leurs proches et des violences qui s’ancrent dans la sphère privée. La Convention d’Istanbul contient une clause de non-discrimination qui implique de garantir les droits de toutes les victimes de violences faites aux femmes, peu importe leur statut et leur titre de séjour notamment. Pourtant, les femmes sans papiers n’ont pas accès aux places subsidiées par les pouvoirs publics dans les refuges d’urgence qui doivent s’organiser sur fonds propres pour les accueillir, quand il leur reste des places disponibles. Elles ne peuvent pas porter plainte, ni s’adresser à la police parce qu’elles risquent l’expulsion du territoire. Ce risque pèse aussi dans certaines conditions sur les femmes dont le titre de séjour dépend d’un regroupement familial. Les femmes qui fuient les violences machistes dans leur pays rencontrent, comme les autres candidat-e-s à l’asile, de nombreux obstacles pour obtenir refuge en Belgique. Et les femmes qui ne maitrisent pas les langues nationales ont difficilement accès aux institutions et aux services de prévention, de soutien et de protection par manque d’interprètes. Malgré l’actualité internationale, notamment en Afghanistan où le régime taliban s’abat lourdement sur les femmes, et la mobilisation des centaines de personnes sans papiers en grève de la faim cet été, le gouvernement se refuse toujours à envisager la mise en œuvre d’une commission permanente et indépendante pour la régularisation des personnes sans papiers présentes sur le territoire sur base de critères clairs et ne dégage toujours aucune perspective pour développer une politique d’asile et migration qui prenne en compte l’impact des violences spécifiques faites aux femmes dans leur pays d’origine, leur parcours migratoire et leur accueil en Belgique. |
Les lignes ne bougent pas dans le bon sens : l’exemple du projet de réforme du code pénal Le projet de réforme du code pénal en matière d’infractions sexuelles présenté comme une avancée pour les droits des femmes ne l’est en réalité que très partiellement9. C’est vrai qu’il acte, enfin, une reconnaissance de l’inceste envers les mineur-e-s comme infraction pénale et adopte une définition du consentement qui clarifie les choses. Mais ce projet de réforme, par ailleurs très dense, confus et parfois contradictoire, va aussi consacrer un statut quo et même engager des reculs sur plusieurs aspects. Par exemple, il est question d’alourdir les peines pour les infractions sexuelles pour mieux marquer leur gravité et leur caractère inacceptable. Mais, dans l’esprit de cette réforme, il est question d’élever le niveau des infractions sexuelles qui seraient reconnues -et donc condamnables- en tant que telles uniquement s’il est avéré que leur auteur a agi « sciemment et volontairement ». Comment démontrer, s’il ne l’avoue pas de lui-même, que l’auteur a agi en étant conscient de commettre une infraction ? Une évolution du code pénal dans ce sens aurait pour conséquence très concrète une diminution des condamnations pour infractions sexuelles. Le résultat de cette réforme se concrétiserait donc à l’exact opposé de l’avancée prétendument engagée pour contrer l’impunité |
1 www.facebook.com/mirabal.belgium
2 Voir quelques exemples concrets dans les encadrés ci-après
3 La Belgique est en effet tenue d’agir immédiatement pour que « les politiques et mesures adoptées pour mettre en œuvre la Convention d’Istanbul intègrent une perspective de genre et reconnaissent le lien systémique entre la violence à l’égard des femmes et une organisation historique de la société fondée sur la domination et la discrimination des femmes par les hommes, qui défavorise encore aujourd’hui de manière disproportionnée les femmes (paragraphe 12) » (Conseil de l’Europe, Recommandation sur la mise en œuvre de la Convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique par la Belgique, 15/12/2020, en téléchargement via ce lien : https://www.coe.int/fr/web/istanbul-convention/belgium)
4 Déclaration relayée dans un article de Le Vif/L’Express, 21/10/21, p.37.
5 Présentation de la Convention d’Istanbul ici : https://rm.coe.int/CoERMPublicCommonSearchServices/DisplayDCTMContent?documentId=0900001680464e98 et rapports et recommandations du Conseil de l’Europe sur sa mise en œuvre en Belgique ici : https://www.coe.int/fr/web/istanbul-convention/belgium
7 Les associations de terrain n’ont pas encore connaissance du contenu sur lequel les différents niveaux de pouvoir se sont accordés. Mais, sur base des déclarations à la presse de la ministre flamande Zuhal Demir, il semble que le PAN proposé par la secrétaire d’Etat à l’égalité des chances Sarah Schlitz se rapproche enfin davantage des recommandations du Conseil de l’Europe et des associations… et que c’est précisément cela qui dérange le gouvernement flamand qui exprime ouvertement son opposition à cette orientation et, donc, aux engagements pris par la Belgique avec la ratification de la Convention d’Istanbul.
8 Voir les recommandations pour la Belgique adoptées par le comité des parties le 18 décembre 2020 en téléchargement ici : https://www.coe.int/fr/web/istanbul-convention/belgium
9 Voir notamment la carte blanche signé par plusieurs organisations féministes ici : https://www.mondefemmes.org/carte-blanche-reforme-du-code-penal-un-cheque-en-blanc-pour-les-agresseurs